L’ÉGLISE SAN QUILICU DI L’OLMU
Une église paroissiale existait au moins depuis la période médiévale placée sous le vocable San Quilicu, ou Saint Cyr. Située à flanc de colline en contrebas du col de PIRELLU, elle a été recensée en 1967 par Madame MORACHINI-MAZEL dans sa thèse sur les églises romanes de Corse. Le toponyme subsiste encore de nos jours. Sur le site, seul un œil averti distinguera, noyés dans la végétation, les vestiges de ce que furent l’église primitive et les habitations formant l’antique village.
Le culte de San Quilicu est classé par Madame MAZEL dans son livre « Corsica Sacra » dans la première catégorie des Saints honorés dans l’île c’est-à-dire parmi les plus anciens, dont certains sanctuaires ont pu exister depuis la fin du IVème siècle. On peut préciser, d’après cet ouvrage, que San Quilicu était au Moyen-âge le Saint patron de prés de 50 sanctuaires dans l’île, venant aussitôt après San Petru, ce qui révèle son importance.
En Corse, le culte de San Quilicu est souvent associé à celui de Giulitta ou Julitte et non Juliette, sa mère, ce qui n’est pas toujours le cas dans la chrétienté, où son nom était souvent mentionné seul.
Les fondateurs des villages d’Olmu et de Prunelli di Casacconi étaient pour la plupart issus de l’antique village préalablement évoqué, selon la mémoire collective, ils ont du se résoudre à quitter les lieux à cause des fréquents impacts de foudre. Une fois installés dans leurs nouveaux villages respectifs, ils s’appliquèrent à y édifier deux belles églises baroques et ce n’est donc pas étonnant que toutes les deux soient vouées au culte de San Quilicu et Santa Julitta.
L’église d’Olmu fut implantée au coeur même du village, sa façade principale est exposée au Sud, une petite place publique, ombragée à l’Ouest par des micocouliers, fait office de parvis.
Au fil des ans l’édifice s’était tellement dégradé que la nécessité d’une restauration était devenue évidente pour tous.
Une première étude d’avant projet de restauration de l’eglise a été présentée au conseil municipal qui, par délibération en date du 13 mars 2006, a adopté le plan de financement des travaux pour un montant de 418.435€. On notera que cette première étude comportait peu de références historiques et ne relevait pas les désordres structurels de l’édifice. On retiendra surtout que ni la collectivité territoriale de Corse, ni le Conseil Général de la Haute Corse, sollicités pour le financement, n’ont donné de suite favorable.
Il faudra attendre le 10 Juillet 2010, pour que Philippe MARIOTTI, alors Conseiller Municipal en charge de l’environnement et du patrimoine, réussisse à convaincre le Conseil Municipal, présidé par Jean COZZANI, de la nécessité d’avoir une étude plus pertinente pour obtenir le financement de ce projet. Philippe MARIOTTI a également élaboré le dossier de demande de financement et assuré son suivi, jusqu’à obtention des aides nécessaires à la réalisation de cette étude.
Le cabinet ARKEPOLIS a été retenu après appel à candidature et c’est Jean Manuel PAOLI, Architecte des Bâtiments Historiques, diplômé de l’Ecole de Chaillot qui a assuré la direction de l’étude dont la version finale nous est parvenue courant juillet 2014.
Cette étude a permis de mieux connaître l’édifice dont le coeur a été construit sur un ancien oratoire désormais enclavé entre une habitation et ses dépendances.
Grâce aux recherches de Caroline PAOLI, historienne, et de Madeleine ALLEGRINI, restauratrice et à la description détaillée rédigée par le Chanoine BARTOLI, nous avons pu étudier l’histoire de l’église et de ses décors anciens recouverts par de couches plus récentes.
L’oratoire pourrait être l’ancienne église construite au début du XVIIème siècle. Quant à l’église Haute, elle aurait été construite en 1725, la façade a finalement été surélevée et complétée par deux clochetons au début du XXème siècle.
Malgré l’intervention du peintre René PANTINI, en 1992, qui a recouvert, de manière irréversible, une partie des décors avec des produits inadaptés, les sondages ont mis au jour des décors du XVIIIème sur la chaire à prêcher, et plus généralement du XIXème siècle sur les autres parties de l’édifice. On sait que ces derniers sont l’œuvre du peintre Cortenais Dominique PACCIONI. Le registre de fabrique mentionne que le peintre a reçu, entre Juillet 1890 et Décembre 1892, plusieurs versements pour un montant total de 1186 Francs, ce qui représentait une belle somme pour l’époque. On notera que nos anciens, probablement en manque de liquidités, soldèrent la note en remettant au peintre l’équivalent de 50 Francs en huile d’olive.
L’étude a servi à étayer nos demandes de financement. Un montant estimé de 910 255 € étant nécessaire pour la restauration complète, le Conseil Municipal, a décidé de scinder l’opération en deux tranches. Le plan de financement pour une première tranche de travaux s’élevant à 428 543 € a été adopté par délibération du Conseil Municipal en date du 21 Novembre 2014.
Les aides indispensables nous ont été accordées dès janvier 2015, par la Direction du Patrimoine de la Collectivité Territoriale de Corse 75% du montant, soit 321 407 €, ainsi que par le Département de la Haute-Corse pour 5% montant soit 21 427 €.
La participation de la commune à concurrence de 20% soit 85 709 €.
Nous avons également signé une convention avec l’Association « A Santa Croce di l’Olmu » et la Fondation du patrimoine qui ont recueilli au total 32 000 € de dons de particuliers. Ces dons viennent bien entendu alléger la participation financière de la commune.
C’est le 8 janvier 2016, après appel à candidature, que l’Atelier KAPAA a été retenu pour la convention de Maîtrise d’oeuvre.
L’avis d’appel public à la concurrence, composé de 6 lots de travaux, a été publié par voie de presse et sur la plate forme dématérialisée « Achat Public » en mai 2017. Près d’une centaine de dossiers de candidature ont étés retirés. Plusieurs offres sont parvenues à la Commission Communale des Marchés Publics, nous reviendrons en détail sur les candidats retenus.
La 1ère tranche de travaux avait pour objectif d’assainir l’église et de stabiliser la structure.
Les nombreuses fissures, l’effondrement d’une partie de la voute du cœur à la fin du XXème siècle laissaient déjà présager le pire. C’est la chute d’éléments de maçonnerie dans la Chapelle du Rosaire en avril 2017 qui nous a amené à fermer l’édifice, par mesure de précaution.
Les études complémentaires en particulier celles de sol, confiées à des bureaux spécialisés, ont conclu a la nécessité de travaux importants sur le mur du chevet, c’est-à-dire le mur placé derrière l’autel qui est aussi l’un des murs de la maison mitoyenne.
Le conseil municipal a donc du délibérer à nouveau le 1er décembre 2017 pour demander un financement supplémentaire et la Direction du Patrimoine de la Collectivité de Corse, nous a accordé, le 20 mai 2019, une subvention complémentaire d’un montant de 60 550.84 €.
Les travaux ont consisté à « encrer », ce mur à l’aide de tirants d’acier à la roche en partie basse et à la façade principale en partie haute.
Cette campagne de travaux aura également permis de refaire :
- une charpente traditionnelle en châtaigner.
- la totalité de la couverture en lauzes
- un réseau complet de gouttières en cuivre,
- le dallage, la remise à niveau de l’étanchéité et du garde corps de la terrasse du presbytère,
- un linteau de pierre provenant de l’ancienne carrière de Pont’à Golu a remplacé le linteau de l’entrée principale qui était fendu,
- les linteaux des ouvertures secondaires en bois étaient en mauvais état ils ont également été remplacés.
L’ensemble de ces opérations ont été réalisées par l’Entreprise Les Frères PIACENTINI, titulaire des lots Charpente, Couverture et Maçonnerie.
Pour les façades secondaires, le choix s’est porté sur un enduit à la chaux teintée dans la masse, comme l’étaient la plupart des constructions de nos villages.
Pour la façade principale, la question de la restitution s’est posée.
Avec Madame Monique TRAEBER-FONTANA, Présidente de la FAGEC, nous avons recherché les couleurs les plus anciennes.
Les deux premiers niveaux de la façade sont les plus anciens, ils étaient badigeonnés en blanc avec quelques pointes de couleur sur les parties décoratives.
Lors de la surélévation du début du XXème siècle, la façade avait été peinte en bichromie ; Blanc sur les parties saillantes décoratives ; Rose sur les panneaux en retrait.
Cette couleur nous a semblé trop criarde pour être restituée, et peindre l’ensemble en blanc n’aurait pas été fidèle puisque la façade, telle que nous la connaissons, n’a jamais été entièrement recouverte de blanc.
Nous avons fait un choix collégial : restituer la polychromie avec une bichromie de blanc mais avec une teinte plus neutre sur les grands panneaux et la restitution des éléments décoratifs en rose et gris.
En parallèle nous avons confié à l’entreprise U CAMPANILE la réalisation de supports traditionnels en bois pour les cloches, pour remplacer les anciens supports métalliques, ce qui agrémente la façade principale.
D’autres travaux de maçonnerie ont été réalisés à l’intérieur ; Les plus importants sont la démolition du revêtement de sol formé de carreaux de ciment qui piégeaient l’humidité, il a été remplacé par un sol dit « ventilé » avec un dallage traditionnel en pierre.
Dans le choeur où un parement plus riche a été refait en ardoise de Gênes et cabochons de marbre blanc.
Ce qui a permis de poser sous les dalles, gaines, fourreaux et câbles électriques, lot réalisé par l’Entreprise BEST ELEC-KRUSLIN, ainsi qu’un dispositif contre les remontés capillaires d’humidité, lot confié à l’entreprise AXE ASSECHEMENT.
Les décors du chevet étaient tellement dégradés par les infiltrations d’eau qu’il était urgent d’intervenir sous peine de les perdre irrémédiablement. Un lot restauration des décors en péril a été confié à l’Entreprise Corse Conservation, de Madame Ewa POLI. La restitution est remarquable et nous sommes impatients de voir l’ensemble des décors de notre église restaurés avec la même expertise.
Le baptistère et le bénitier ont été réparés et polis par l’atelier Sylvain RAUD.
Le lot menuiserie est revenu à l’Entreprise Joseph ANTONETTI
Citons cette anecdote « Le menuisier a remarqué que la porte sculptée en contrebas de l’édifice lui évoquait celles d’autres églises de Castagniccia ». Le panneau sculpté est la copie parfaite de celui de la porte de l’église de Zuani et ressemble à celui de l’église de Valle d’Orezza. L’hypothèse la plus probable est que cette porte proviendrait d’un portail plus imposant dont elle était l’ouverture centrale. La porte avait été raccourcie pour son nouvel usage. Elle a été restaurée par Pantaléon ALESSANDRI.
L’imposant meuble de la sacristie a été entièrement restauré par Antoine FIESCHI, le jeune et talentueux ébéniste de L’ORETU di CASINCA.
Notons enfin que la coordination de sécurité du chantier à été assurée par Monsieur Luc BORDIN.
Pour notre modeste commune, d’autres faits marquants ont jalonné le parcours, nous citerons pour mémoire ceux auquel il a fallu remédier :
- 19 Mars 2015 effondrement de l’aire de stationnement de Funtana.
- 24 Novembre 2016 effondrement d’un tronçon de soutènement du chemin de Pighjola.
- 19 Décembre 2016 effondrement du mur en contrebas du lavoir de Chjusellu.
Malgré ces vents contraires, la première tranche de travaux, d’un coût final de 581 578,20 € HT, a été réceptionnée dans les délais et une cérémonie d’inauguration a eu lieu le 15 Juillet 2019, jour de la fête patronale, les cloches ont joyeusement sonné pour annoncer l’office concélébré par le Père Jean Yves COREOLI, Vicaire général, assisté par l’Abbé Jean Simon CARLOTTI, curé de la paroisse et l’Abbé Ange Michel VALERY Curé de CALVI. Une chorale exceptionnelle composée des membres du groupe A FILETTA, de Michel CACCIAGUERRA des Frères Mathieu et Nicolas CESARI, a procuré la dimension qui s’imposait à cette première messe depuis la fermeture de l’édifice. Un apéritif dinatoire servi dans la salle polyvalente a prolongé la Fête. De nombreuses personnalités étaient présentes, parmi celles-ci, Jean Félix ACQUAVIVA Député, Jean Christophe ANGELINI Président de l’ADEC, Paola MOSCA Conseillère Territoriale représentant le Président de l’exécutif Gilles SIMEONI, Christiane MARIOTTI Maire de PRUNELLI, Joseph GALLETTI et Vincent BRUSCHINI respectivement Maire et 1er Adjoint de LUCCIANA, Paul Jean EMANUELLI Maire de PIAZZOLLE d’OREZZA, Nadège MARY Conseillère Municipale représentant le Maire de MONTE, Thierry ROVERE Directeur de la section CORSE de la Fondation du Patrimoine.
L’église a retrouvé sa fonctionnalité, elle est à nouveau à la disposition des paroissiens. Une messe en mémoire des défunts y a été célébrée le 1er Août, et trois jeunes enfants de la commune y on reçu le baptême le Dimanche 4 Août.
Les murs vont se stabiliser et s’assainir progressivement, ce qui ouvre la voie à la restauration des décors intérieurs, prochaine étape de ce beau projet.
Fortuné FELICELLI
L’Olmu le : 21 Octobre 2019